samedi 20 juin 2020
Lettre à mes proches et à mes amis des quartiers aisés de Santiago.
Lettre à mes proches et à mes amis des quartiers aisés de Santiago.
Ne voyez-vous pas les
souffrances indicibles dans
lesquelles le pays est plongé ? Comment autant
d’aveuglement est-il possible ? N’êtes-vous pas au courant
des centaines ou des milliers de soupes populaires et solidaires qui sont organisées
par les habitants des quartiers défavorisés de tout le pays pour ne pas mourir
de faim ? Sommes-nous responsables ?
Ne vous rendez-vous pas compte que notre milieu ne constitue qu’une petite minorité, très petite et très privilégiée ? Minorité qui, ayant vécu entre soi pendant si longtemps, pensait, comme le Président
Piñera l’a exprimé le 8 octobre 2019, que le pays était une oasis de paix et de prospérité au milieu de la tempête
latino-américaine. Minorité qui n'a
pas la moindre idée des difficultés, chaque jour plus importantes, rencontrées par un grand nombre de Chiliens, difficultés qui ont provoqué l'énorme explosion sociale du 18 octobre et qui sont
exacerbées à un point indescriptible par la présente pandémie. Minorité qui est convaincue d'avoir le
droit et la capacité de décider pour tous les
citoyens. Minorité qui –à quelques exceptions
près– au lieu d'utiliser ses connaissances et ses qualités pour le bien de la société toute entière, de manière responsable, appliquée
et honnête, les utilise dans son
propre intérêt. Minorité qui, fidèle au modèle néolibéral, sacrifie l'éducation, la santé et la justice sociale des plus modestes sur l’autel du profit et qui traite ensuite les gens du peuple d’ignorants, de peu civilisés, de
grossiers, voire de racaille. Minorité
qui se considère comme une classe supérieure, pour ne pas dire une race supérieure, qui méprise les immigrants pauvres péruviens, boliviens, haïtiens, colombiens, vénézuéliens ou autres, qui méprise et criminalise ses peuples autochtones, en particulier le peuple
Mapuche, avec un déni historique
honteux. Minorité qui opprime
systématiquement tous ceux qui se
battent pour leurs droits, comme ces manifestants de l’explosion
sociale d’octobre avec ses centaines d’éborgnés, ses deux mille jeunes en
détention préventive sans procès, sans raison, avec une violence comparable, voire
pire, que celle du récent meurtre épouvantable de George Floyd aux
États-Unis, meurtre qui a suscité une vague d'indignation universelle contre toute forme de
racisme. Minorité riche et
protégée par une constitution imposée par la dictature criminelle, qui autorise le pillage
de toutes les richesses du pays, y compris l'eau, au profit de quelques
entreprises privées, pillage d'une violence extrême pour les habitants des
zones rurales touchées par la
sécheresse et qui se voient refuser
le droit fondamental d'accès à l'eau.
Comment autant
d’aveuglement est-il possible ?
Il est temps d'ouvrir les yeux, de prendre conscience des souffrances indicibles dans lesquelles
le pays est plongé et de faire
l'impossible pour réparer le
désastre actuel, en choisissant des
options inspirées par la justice
sociale et la fraternité. Il est
temps d'assumer notre
devoir d'humanité. Mais peut-être est-ce trop tard, peut-être
que rien ne pourra arrêter la deuxième vague énorme de l’explosion
sociale qui se profile à l’horizon.
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