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vendredi 5 janvier 2007

De G. M. , un lecteur "apaïste"

(apaïste = de l'Association pour l'Autobiographie)

Chère Maribel,

Je poursuis la lecture de ton livre avec bonheur, comme on déguste un Cousiño Macul , à petites gorgées... Pour les lieux que nous partageons, à part Punta Arenas et d'autres endroits que j'aime au Chili..

J'en ai aimé tant de passages que j'ai du mal à mettre de l'ordre dans mes impressions. Je te les livrerai un peu en vrac...

La quête des racines, au début, dont tu redoutais une certaine aridité, me semble au contraire capitale. C'est la marque très forte d'une pulsion vitale vers les origines de soi, d'une ingéniosité inlassable pour y accéder, en sollicitant tous les témoignages possibles. La rencontre avec Darko à Barcelone est pleine de sensibilité et d'émotion, et celle aussi, bien entendu de Maria Cecila, qui, comme au cœur d'une toile, te révèle la clef profonde de ta recherche. Le recours au web est parfaitement opératoire, et symbolique ! "Net, web, hilo"... "Con un hilo se saca el ovillo", n'est-ce-pas? La métaphore prolifère au long du texte, en se souvenant de superbes cautions comme celle de Machado...

A mon avis, l'une des originalités de ton livre est non seulement le vaste tissage qui le constitue, mais le tissage en train de se faire sous nos yeux. Cette dynamique tenace est pleine de vie, car menée à travers des dialogues qui ressuscitent une parole enfuie (et peu importe que les paroles écrites n'aient pas été exactement celles prononcées en réalité). Ce qui compte, c'est le "véridique" de l'écrit. Il y a là un heureux mariage entre l'oralité et l'écriture, que l'on trouve rarement en autobiographie.

Toujours au chapitre de la construction, je trouve très réussie l'alternance entre romain et italique, mais avec d'autres résonances que dans certains livres, comme "W" de Georges Pérec. L'italique souligne un changement de rythme, le passage à une plus vive intensité ou à un souvenir plus intime. Ce sont autant d'étapes fortes - douleur, abandon, never more, mais aussi cuisine et saveurs de l'autre bout du monde - , qui reprennent sens dans les mots et scandent le récit .

J'ai eu les mêmes réactions que toi en visitant le musée des Salésiens : ces Indiens au visage inoubliable, marqué par une immense désespérance... Parfois, tu nous offre un beau poème en prose (125-126), et avec lui le noyau de l'entreprise, encore le fil ! Et tout cela jusqu'aux fils enfin rassemblés, à la dernière page, comme dans une sorte d'apaisement, fragile peutêtre, où l'identité fracturée trouve à se suturer par la magie de l'écriture.

Tout ce qui concerne la dualité devenue fondamentale de ton être est un autre trait fort de ton livre. L'écriture en porte la marque, avec la réflexion sur ses enjeux, et ses quelques gallicismes... J'ai trouvé très beau, p. 117, le passage sur le dédoublement engendré par l'exil, mais ce n'est pas le seul : "Etrangère avant de naître"... Chacun traîne avec soi son "cine de mimos", et toi tu sais en révéler les secrets.

Tes mentions fréquentes de la psychologie transgénérationelle m'ont beaucoup plus. C'est une voie d'exploration de soi qui m'intéresse. Connais-tu les travaux de la grande spécialiste Anne Schutzenberger ? Elle a écrit un livre intitulé "Aïe, mes aïeux !" dans lequel elle analyse des histoires incroyables.

Tu peux imaginer combien j'ai vibré particulièrement à lire tout ce qui concerne Punta Arenas et la Terre de Feu. Je crois même avoir navigué sur le "Melinka", il faudrait que je retrouve mes notes de voyage (Je les mettrai au propre et je te les enverrai un jour). Naturellement, j'ai baisé l'orteil de l'Indien, donc j'y reviendrai, c'est sûr !

Voilà, chère Maribel, quelques impressions rapides.

Merci de m'avoir offert la possibilité de te lire,

Je t'embrasse,

Guy

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