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mardi 21 mars 2017

"Historia de la Tortura" por Jose Promis, Artes y Letras, El Mercurio

Voir plus bas la traduction de cette critique, publiée le 19 mars 2017, dans le supplément culturel  « Los Libros » de  Artes y Letras,  El Mercurio

Crítica publicada en Revista los Libros de Artes y Letras de El Mercurio
 

Ver el blog de José Promis

HISTOIRE DE LA TORTURE

“Une réussite indubitable de l’auteure de Piedras Blancas est la forme encadrée qu’elle a donné au texte pour qu’il remplisse ses intentions narratives…”

Quarante années déjà, mais le coup d’État militaire de 1973 se maintient vivant dans les pages de notre littérature. Il en ressort un point qui pourrait très bien être considéré comme la ligne de division entre deux périodes du roman chilien contemporain: avant et après le coup. Mais en tant que thème pour roman, la dictature militaire a occupé plusieurs fonctions narratives. C’est le référent qui octroie l’ancrage historique et donne un signifiant au récit de beaucoup de textes ; c’est l’atmosphère exigée par la nature de la fiction développée dans d’autres romans. Ce peut aussi être le motif subordonné indispensable pour soutenir le conflit central de l’argument ou, dans une minorité de cas, le motif principal de l’histoire. Quelle que soit la hiérarchie que l’objet dictature occupe dans la structure du récit, il est généralement abordé seulement du point de vue des victimes.

L’intérêt de Maria London (María Isabel Mordojovich) pour la présence du mal que le coup d’État a installé dans notre société, est à l’origine de son roman Le livre de Carmen, publié au Chili en 2008 (un an après sa publication en France), dans lequel le thème est travaillé à partir de la relation personnelle qui s’établit entre un personnage pervers et sa victime. Mais son roman Piedras Blancas –récemment publié avec un titre qui évoque Tejas Verdes, le récit-témoignage de Hernán Valdés- poursuit des intentions plus ambitieuses : donner une amplitude majeure au thème et l’observer d’un point de vue différent. Comme le dit Maria London dans sa “Note de l’auteure” qui ferme le livre, son roman veut décrire l’horreur du monde de la torture du point de vue des tortionnaires et répondre à certaines questions : comment la torture s’est-elle installée dans notre société et que sont devenus tant les victimes que leurs tortionnaires après la fin du gouvernement autoritaire imposé par le coup d’État militaire de 1973.

Une réussite indubitable de l’auteure de Piedras Blancas est la forme encadrée qu’elle a donnée au texte pour qu’il remplisse ses intentions narratives. L’histoire de la torture se passe en deux temps distanciés par les années passées entre le coup d’État de 1973 et le moment où tant les victimes que les tortionnaires racontent ce qu’il s’est passé à cette époque. Dans le premier temps, la voix narrative observe les modes de penser et les comportements de personnages responsables de l’apparition du terrifiant monde de la torture : le major Davila, qui l’impose comme moyen chirurgical pour extirper le cancer du communisme de la société chilienne, un groupe de jeunes sous-lieutenants et lieutenant sélectionnés pour la mettre en pratique et trois sinistres capitaines qui décident des diverses formes de torture que doivent subir les opposants au régime. S’ajoutent à eux des personnages comme Olegario Poblete Aranda, Blanca, Alvaro et Floreal Torres. Le premier représente les victimes que la torture convertit en tortionnaires et les autres celles qui ne trahissent pas leurs compagnons ni n’abandonnent leurs idéaux bien qu’ils soient soumis aux mêmes tortures et souffrances qu’Olegario.
Dans le deuxième temps, la voix narrative permet que militaires, victimes et leurs familles, parlent directement au lecteur. Mais la vérité profonde que le texte veut transmettre, le message qui veut être communiqué à travers ces moyens artistiques, surgit du contraste entre les situations bouleversantes et terrifiantes de l’histoire de la torture et le discours cynique de Ricardo, un homme d’affaires dont les déclarations commencent et terminent le livre. 

Bien que les images produites dans Piedras Blancas n’atteignent pas la profondeur psychologique recherchée par l’auteure et restent à hauteur de stéréotypes –tant humains que linguistiques- l’intention de Maria London d’éviter de nous familiariser avec un moment de notre histoire mérite l’attention des lecteurs.