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mercredi 23 avril 2008

L’apprentissage du respect.

(Chronique à paraître dans le numéro d'été du magazine Espaces Latinos )

Luzmila Carpio est une femme Quechua-Aymara qui, dans sa jeunesse, comme beaucoup d’indiennes, dut quitter son village pour un travail de bonne. C’est grâce à une voix exceptionnelle qu’elle put échapper au sort auquel elle semblait destinée. Evo Morales eut l’idée de la nommer ambassadrice de Bolivie en France, où elle était connue par son chant, et c’est en cette qualité qu’en mars dernier, elle a participé à une table ronde pour la journée de la femme à Saint-Martin-d’Hères. L’assistance fût impressionnée par cette ambassadrice, dont la présence éblouissante, le port distingué et le discours exemplaire imposaient le respect. [1]

En l’écoutant parler et en la regardant, je ne pus m’empêcher de me poser de nombreuses questions. Je trouvais incroyable, en tant que latino-américaine, d’avoir dû attendre si longtemps pour éprouver à ce point de l’admiration pour une indienne. Tout à coup, je me rappelais une indienne avec laquelle j’avais discuté lors d’un voyage au nord du Chili et qui m’avait fait part de ses efforts pour surmonter la honte que lui inspiraient ses traits indiens. Je songeais aussi à une amie chilienne très typée et qui avait appris de la bouche de sa propre mère qu’elles étaient très laides. Cette amie, lorsqu’elle est venue vivre en France, découvrit avec étonnement qu’elle pouvait plaire, et même beaucoup, et que la laideur qu’on lui attribuait relevait du racisme le plus basique. Mercredi dernier, j’ai assisté à une rencontre à Grenoble où trois femmes mapuche étaient invitées à parler de leur association : Relmu Witral. Composée d’une centaine de femmes lavkenche, appartenant à diverses communautés indigènes de la région de Tirua, elle les aide à retrouver leurs savoirs ancestraux et à promouvoir leurs tissages. L’une de ces femmes évoqua également sa honte passée d’avoir à exposer sa laideur supposée.

La honte détruit. Cette notion de laideur honteuse associée aux traits indiens est tellement ancrée parfois, que personne ne songe à y voir un quelconque racisme. Dans certains pays, tout le monde est persuadé, y compris dans des milieux fortement métissés, que la beauté a la peau blanche et des traits européens. Le déni de ce racisme, pourtant omniprésent, est parfois ahurissant. Et le déni appelle la révolte. Le Chili se dit fier du courage de ses ancêtres indiens, les seuls dans tout le continent à avoir su résister à l’envahisseur espagnol, assure brillamment la promotion de l’artisanat mapuche, mais, en même temps, ignore sinon méprise la spécificité mapuche, nie à ses représentants actuels la faculté de revendiquer et s’enfonce dans un aveuglement de plus en plus explosif.

Les Mapuche dans leur ensemble, qu’ils soient sur leurs terres, dans des chambres de bonne ou sur les chantiers de la nouvelle économie retrouvent aujourd’hui leur propre esthétique, leur propre respect. Que les autres Chiliens ouvrent les yeux et les respectent aussi !

Maria London, Grenoble 20 avril 2008


[1] Le Petit Robert donne la définition suivante du mot respect : « Sentiment qui porte à accorder à qqn une considération admirative, en raison de la valeur qu'on lui reconnaît, et à se conduire envers lui avec réserve et retenue. »


1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bonjour

Je n'avais pas pris le temps de lire ce texte. Je n'y avais jamais vraiment songé, mais c'est très juste!